200Section III.M. L. March,
La situation relative des patrons de l’agriculture et de l’industrie n’est
d’ailleurs pas la même quand on considère les mariages ayant duré moins
de 25 ans; pour les mariages ayant duré moins de 5 ans, de 5 à 14 ans ou
de 15 à 25 ans, la productivité est plus forte dans l’agriculture que dans
l’industrie. Tout se passe comme si les chefs d’exploitations agricoles,
après avoir eu plus rapidement que les chefs d’entreprises industrielles un
nombre déterminé d’enfants, s’arrêtaient plus tôt que ces derniers.
Le détail des professions permet même de distinguer des groupes
d’industries similaires. Le nombre d’enfants p. 100 hommes mariés dépasse
390 dans les mines et carrières, dans la minoterie, dans les industries
textiles, dans les entreprises de bâtiment et dans les entreprises de transport,
tandis qu’il s’abaisse à 350 et au-dessous dans les industries de l’alimenta
tion dans les industries du livre, dans l’orfèvrerie et la bijouterie. Ce
serait donc plutôt dans les grandes industries que les patrons auraient le
plus d’enfants et dans les petites qu’ils en auraient le moins.
Parmi les professions commerciales, le nombre moyen d’enfants par
100 familles est surtout élevé chez les bouchers ; il est le plus faible chez
les banquiers et chefs d’entreprises financières qui forment une sorte de
transition entre les professions industrielles ou commerciales et les pro
fessions libérales.
Ainsi, chez les patrons, la productivité semble liée, dans une certaine
mesure, à des caractéristiques professionnelles, mais, celles-ci sont assez
complexes : d’une part, l’intellectualité de la profession, si l’on peut dire,
entraîne une faible productivité puisque le nombre des enfants par famille
est faible dans les professions libérales, dans les industries du livre, dans
les entreprises financières, tandis que des professions comme celle de boucher
comportent une productivité relativement élevée ; d’autre part, cependant,
les chefs de grandes industries semblent avoir une productivité supérieure
à celle des petits industriels et dès commerçants.
Il nous semble entrevoir deux facteurs agissant d’une façon quasi indé
pendants ; d’un côté le caractère intellectuel de la profession qui porte
aux mariages tardifs et crée un milieu peu favorable à la fécondité pour des
raisons qu’il n’est point nécessaire de développer ici ; d’un autre côté, la
préoccupation du sort réservé aux enfants. Dans les grandes entreprises,
ceux-ci trouveront aisément l’emploi de leurs aptitudes et obtiendront sans
trop de difficultés des situations équivalentes à celles de leurs parents, soit
à l’intérieur, soit à l’extérieur du pays. Dans les petites entreprises au
contraire, et sauf les cas particuliers tels que celui des bouchers où l’emploi
de la main-d’œuvre familiale es<t presque une condition de réussite, le père
de famille ne voit pas à l’avance, sans inquiétude, l’avenir réservé à ses
enfants. Certaines de ces caractéristiques vont se retrouver chez les employés et
chez les ouvriers.