362Section IV.Magnan et
Fillassier.
C’est là un résultat des plus navrants de l’alcoolisme qui, non seulement
transforme profondément l’individu, mais transmet à ses descendants des
tares qui en font des malades ou des criminels, dont le seul profit pour la
société est une lourde charge, ou un danger(i). Plusieurs d’entre eux font
des séjours alternatifs à Tasile et à la prison.
Chez les enfants issus de telles unions se révélent une susceptibilité
nerveuse excessive, une excitabilité reflexe anormale ; ceux que la tuberculose
ou les convulsions ne tuent pas présentent souvent une appétence particulière
pour les boissons alcooliques, et le besoin impérieux d’en user.
Cette constatation, maintes fois révélée par les travaux de l’Admission
est devenue classique; Legrain notamment l’a notée 63 fois sur 102 cas(2).
Comment s’étonner dès lors si l’accroissement du nombre des dégénérés
marche de pair avec les progrès de l’alcoolisme !
Ces malades présentent au point de vue clinique un haut intérêt. Chez
eux, l’alcool provoque très souvent l’explosion d’un délire dont l’intensité
est si peu en rapport avec les excès commis qu’il faut bien faire appel pour
l’expliquer à la notion de dégénérescence.
Presque tous se présentent à l’asile avec un délire alcoolique assez actif,
qui disparaît en général très vite laissant à découvert des troubles
psychiques qui, sans l’excitation de l’appoint éthylique, seraient restés à
l’état latent, mais qui une fois développés, durent beaucoup plus longtemps
que l’accès alcoolique dont ils sont tributaires; l’alcool a mis en effet en
jeu leurs dispositions délirantes. En résumé ces malades sont guéris de l’accès
éthylique mais celui-ci est remplacé par une psychose beaucoup plus tenace
que l’excitation alcoolique a réveillée(3).
Toutes les formes mentales peuvent être observées : les états maniaque ;
mélancolique, stupide : les délires polymorphes ou systématisés, les idées
fixes, la préoccupation du mot, du chiffre, les phobies de toute sorte, les
obsessions, les impulsions, manifestations symptomatiques qui imposent une
grande attention lorsqu’elles ont pour objet une perversion du sens génital,
ou le vol, l’incendie, l’homicide, etc., tous ces syndromes soulèvent au point
de vue philosophique, psychologique, social, médico-légal, les questions les
plus délicates (4).
Parmi les malades à perversions instinctives reçus à l’Admission, faut-il
citer quelques exemples? C’est ce malheureux garçon de 22 ans qui en était
arrivé, malgré tous ses efforts pour résister, à plonger un canif dans la fesse
des jeunes filles qu’il rencontrait. C’est après avoir frappé sa troisième
victime, inconnue comme les autres, près de l’Eglise de la Trinité,
(1) Magnan—Rapport sur le Service Central de l’Admission, 1905-1907.
(2) Hérédité et Alcoolisme, Paris, Doin, 1889.
(2) Magnan—Rapport sur le Service Central de l’Admission, 1906.
(4) Magnan—Rapport sur le Service Central de l’Admission, 1910.