36 4Section IV.Magnan et
Fillassier.
Signalons encore, dans le groupe des dégénérés persécutés-persécuteurs,
cette femme qui, sous l’influence d’illusions, d’interprétations délirantes et
d’idées de persécution était devenue meurtrière de l’Abbé de Broglie.
Ces faits sont-ils rares ? Hélas la statistique suivante montrera combien
sont fréquentes les manifestations de la folie, chez les héréditaires
dégénérés. {Voir Statistique, page 365.)
“ Ces malheureux naissent avec la marque de leur origine . . . Suivant
le siège et la généralisation des lésions, suivant la localisation des troubles
fonctionnels, ces types cliniques observés sont très variables. Mais malgré
leur diversité, des transitions insensibles conduisent d’une extrémité de
l’échelle à l’autre, de l’idiot complètement dégradé au dégénéré
supérieur, intelligent mais déséquilibré. Nous n’avons ici que peu de chose
à dire de l’idiot qui, rélégué dans la moelle, dans le mésocéphale ou dans
le cerveau postérieur, vit d’une façon tantôt purement végétative tantôt
uniquement instinctive; les excitations périphériques provoquent des reflexes
médullaires ou. cérébraux ; mais ce ne sont que des reflexes simples, et les
centres modérateurs n’interviennent jamais. Dès que la région frontale
devient libre, le sujet commence à pénétrer dans le domaine de l’idéation,
du contrôle; il cesse alors d’être idiot et s’élève à la dignité d’imbécile. La
localisation des lésions à tel ou tel centre perceptif, à une étendue plus ou
moins grande de la région antérieure, nous explique que telle ou telle faculté
ait survécu au naufrage, et qu’il existe des génies partiels, des idiots savants.
Chez les débiles, les déséquilibrés où se recrutent ceux des délinquants dont
l’étude revient à la pathologie mentale, ce ne sont plus des lésions
anatomiques grossières, mais bien des troubles fonctionnels qui tiennent sous
leur dépendance les modifications de l’activité de l’axe cérébro-spinal. Ce
qui prédomine chez eux, c’est la désharmonie et le défaut d’équilibre, non
seulement entre les facultés mentales, les opérations intellectuelles propre
ment dites d’une part, les sentiments et les penchants d’autre part, mais
encore la désharmonie des facultés intellectuelles entre elles, le défaut
d’équilibre du moral et du caractère. Un héréditaire peut être un savant,
un magistrat distingué, un mathématicien éminent, un politicien sagace,
un administrateur habile, et présenter au point de vue moral, des
défectuosités profondes, des bizarreries étranges, des écarts de conduite
surprenants, et comme le côté moral, les sentiments et les penchants sont la
base de nos déterminations, il s’ensuit que les facultés brillantes sont mises
au service d’une mauvaise cause, c’est-à-dire d’instincts, d’appétits, de
sentiments maladifs qui, grâce aux défaillances de la volonté, poussent aux
actes les plus extravagants et parfois les plus dangereux. (1)
(1) De l’enfance des criminels considérée dans ses rapports avec la prédisposi
tion naturelle au crime.
Rapport de M. Magnan—au Congrès d’Anthropologie criminelle de 1889.